22/05/2014

Affaire Trunki : les juges anglais se font la malle

À l’occasion d’une passionnante affaire de contrefaçon d’un modèle communautaire de valise, les juges anglais prennent parti sur la façon d’apprécier la fameuse "impression globale sur l’utilisateur averti" (Règl. n° 6/2002 du 12 décembre 2001 sur les dessins ou modèles communautaires [RDMC], art. 10).  

Pour la cour d’appel d’Angleterre et du pays de Galles, il faut examiner la contrefaçon par référence à l’enregistrement, rechercher la caractéristique essentielle de la forme, tenir compte de l’ornementation et des contrastes de couleur. On en tirera des conclusions très concrètes sur la meilleure façon de dessiner le modèle… mais la décision est controversée.

L’affaire Trunki a fait grand bruit outre-Manche. Le 28 février 2014, la cour d’appel d’Angleterre et du pays de Galles a jugé que les valises Kiddee Case ne contrefaisaient pas le modèle de valises Trunki (Court of Appeal of England and Wales, civil division, 28 févr. 2014, Magmatic Ltd c/ PMS International Ltd : [2014] EWCA Civ 181 - Lord Justice Kitchin).

Par cet arrêt, elle infirmait la décision du premier juge (England and Wales High Court, 11 juill.2013 : [2013] EWHC 1925 (Pat) -Judge Arnold). Dans les mois à venir, une controverse opposera sans doute partisans et détracteurs de cette décision. On devine les débats s’amorçant sur le terrain de la politique juridique et rebondissant sur la technique juridique.

***

C’est une success story à l’anglaise. Rob Law, un jeune designer, dessine une valise pour enfants et crée la société Magmatic, à Bristol, pour la commercialiser. L’aventure Trunki a démarré. Quelques années plus tard, il a passé le cap des 2 millions de valises vendues, affiche un chiffre d’affaires de plus de 7 millions de livres par an et emploie 50 personnes. En 2012, il opte pour le made in England et relocalise la production dans le Devon, à Plymouth (à l’origine, la valise était fabriquée en Chine). 

Une valise Trunki

L’objet est amusant et il est décliné en plusieurs couleurs et motifs. L’enfant peut s’assoir à califourchon sur la valise à roulettes pour avancer comme sur un porteur, en s’accrochant aux cornes. Il peut aussi se faire tirer par la sangle.

Mais bientôt, un concurrent copie le modèle. La valise Kiddee Case est également une valise-porteur, proposée en plusieurs versions par la société PMS. Les valises sont fabriquées en Chine et vendues à plus bas prix.

Une valise Kiddee Case (version Tigre)

Une valise Kiddee Case (version Coccinelle)

Magmatic assigne alors PMS en contrefaçon, mais les juges soufflent le chaud et le froid. Il gagne en première instance : la Kiddee Case porte atteinte au modèle Trunki, car elle produit sur l’utilisateur averti la même impression globale. Il perd en appel : la Kiddee Case n’est pas contrefaisante, parce qu'elle produit sur l’utilisateur averti une impression globale différente de celle du modèle Trunki...

Le DMC enregistré représentant la valise Trunki


À lire dans la revue Propriété industrielle,
rubrique "Dessins et modèles" ! 



Références : Laure MARINO, Affaire Trunki : les juges anglais se font la malle (note sous Court of Appeal of England and Wales, civil division, 28 févr. 2014, Magmatic Ltd c/ PMS International Ltd : [2014] EWCA Civ 181), Propriété industrielle n° 5, mai 2014, comm. 42.

☛ Voir les autres notes de jurisprudence parues dans la rubrique "Dessins et modèles" :

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3 commentaires:

  1. Modèle déposé la contrefaçon s'apprécie par comparaison de l'ensemble des caractéristiques du dessin. Dans le cas ici désigné le modèle est présenté en une dimension non en tridimensionnel (cela vous rappellera la nouvelle ancienne 3D). Aucune caractérisation précise d'agencement des éléments constitutifs n'est revendiquée pas plus que l'intégration d'éléments précis présentant un aspect nouveau dans leur ensemble.

    Pour un professionnel averti aucune originalité dans l'agencement d'éléments du commun existant largement dans le domaine du jouet par ailleurs. Qui plus est sont pour des gens de l'art substantiellement / largement différents du modèle déposé lui même inspiré de l'existant (jouets). La question première le déposant n'a t-il pas pris un risque en s'aventurant pour un dépôt. Le droit d'auteur n'est-il pas suffisant pour n'avoir qu'à actionner celui-ci en concurrence déloyale, en suivisme (dixit Lucien David LANGMAN) !!!

    Le demandeur avait-il consulté des gens de l'art avant de faire dépôt !

    Le dépôt est en noir et blanc. Les éléments concernés sont en couleur donc inopérant en regard de revendication assises sur le dépôt.

    L'impression d'ensemble pour un spécialiste averti est sans équivoque l'agencement n'apporte rien de créatif permettant une protection descriptive en un dépôt. Dans un moindre motif la forme est inspiré de jouets pour enfants (chevaux à roulettes) avec roulettes point repris de même sur la valise enfant déposée.

    Lucien David LANGMAN
    Expert en PI - Expert en contrefaçon

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    1. Merci pour ce commentaire éclairant !

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    2. Tout est dans tout, et réciproquement. L'idée de cette valise - jouet est séduisante pour les petits comme pour les grands. Ludique et utile, que demander de plus. Faut-il alors en réserver le monopole absolu à celui qui l'a développée, c'est à dire lui donner un droit exclusif sur les formes qu'il a créées et sur toutes les autres formes ? Vaste débat dans lequel la concurrence a son mot à dire : la contrefaçon, c'est la copie conforme et l'imitation, mais dans un système économique ouvert cette dernière notion a de plus en plus de mal à résister si on aborde - et on doit le faire - la question de son impact sur la concurrence.
      Catherine GIRARD
      Juriste en PI
      Inscrite sur la liste de personnes qualifiées en Propriété Industrielle

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