06/03/2014

Chronique de jurisprudence de droit de la propriété intellectuelle (septembre à décembre 2013)

Ma chronique d'hiver vient de paraître à la Gazette du Palais !

Je vous propose quelques "coups de projecteur" sur la jurisprudence française et européenne en la matière, pour éclairer la période de quatre mois allant de septembre à décembre 2013.

Une décision venue d’ailleurs s’y ajoute : la spectaculaire affaire Google Books se poursuit avec une victoire pour la bibliothèque numérique géante de Google.

Voici le plan de cette chronique de jurisprudence de droit de la propriété intellectuelle :

I. Propriété littéraire et artistique

• Plus belle la preuve de la rencontre fortuite ou des réminiscences (note sous Cass. 1re civ., 2 oct. 2013, n° 12-25941, M. X c/ Sté TF et associés et a.)
La condamnation pour contrefaçon d’une œuvre peut être écartée en cas de rencontre fortuite ou de réminiscences, mais c’est au contrefacteur prétendu de prouver l’existence de la rencontre fortuite ou des réminiscences. Dans cet important arrêt Plus belle la vie, la première chambre de la Cour de cassation complète sa jurisprudence Djobi Djoba sur le terrain probatoire et nous conduit à réfléchir aux éléments de preuve que le défendeur pourrait alors faire valoir.
• Le droit d’auteur a-t-il un parfum enivrant ? (note sous Cass. com., 10 déc. 2013, n° 11-19872, Sté Lancôme et a. c/ M. X)
"Le droit d’auteur ne protège les créations dans leur forme sensible, qu’autant que celle-ci est identifiable avec une précision suffisante pour permettre sa communication", nous dit la Cour de cassation. Elle conclut que "la fragrance d’un parfum, qui, hors son procédé d’élaboration, lequel n’est pas lui-même une œuvre de l’esprit, ne revêt pas une forme présentant cette caractéristique, ne peut dès lors bénéficier de la protection par le droit d’auteur". Mais nous pouvons lire l’arrêt de deux façons !
• Contrefaçon à l’Université : le juge ordonne la destruction d’une thèse (note sous TGI Paris, 31e ch. corr., 19 déc. 2013, n° 08235090030, M. Samer N. c/ Mme Christine M. et a.)
La prévenue est reconnue coupable de contrefaçon pour avoir reproduit dans sa thèse d’odontologie de nombreux passages d’un mémoire de master. Le tribunal ordonne, notamment, la destruction des exemplaires de la thèse dans les bibliothèques universitaires françaises.
À suivre ! Mme Christine M. a interjeté appel ; M. Samer N. et le procureur de la République aussi.

II. Brevets

• Qualification de l’invention de mission (note sous Cass. com., 10 sept. 2013, n° 12-22617, M. X c/ Sté ELF EP)
Parce qu’elles ont été réalisées dans le cadre d’études et de recherches explicitement confiées au salarié, les inventions de ce dernier sont en l’espèce qualifiées d’inventions de mission. Pour se déterminer ainsi, les juges du fond se sont appuyés à bon droit sur des fiches annuelles d’évaluation du salarié qui révélaient que cette mission d’études et de recherches lui avait été explicitement confiée.

III. Marques

L’article 5 de la directive sur les marques nationales (dir. n° 89/104/CEE du 21 déc. 1988 devenue dir. n° 2008/95/CE du 22 oct. 2008) " s’oppose à ce qu’un titulaire de marques qui, dans le cadre d’une exploitation partagée avec un tiers, avait consenti à l’usage par ce tiers de signes identiques à ses marques pour certains des produits relevant des classes pour lesquelles ces marques sont enregistrées, et qui n’y consent plus, soit privé de toute possibilité d’opposer le droit exclusif qui lui est conféré par lesdites marques audit tiers et d’exercer lui-même ce droit exclusif pour des produits identiques à ceux du même tiers".
• Droit des marques : "Plus belle la vie" grâce à la condition d’usage dans la vie des affaires (note sous TGI Paris, 3e ch., 4e sect., 28 nov. 2013, Laurence C c/ Telfrance Série et a.
La page fan non officielle de "Plus belle la vie" reproduit la marque Plus belle la vie, mais ne constitue pas une contrefaçon en l’absence d’usage dans la vie des affaires.
• Motivation glissante dans l’annulation de la marque vente-privee.com (note sous TGI Paris, 3e ch., 1re sect., 28 nov. 2013, n° 12/12856, Sté Showroomprive.com c/ Sté Vente-privee.com)
Le tribunal de grande instance de Paris a annulé la marque verbale vente-privee.com pour défaut de caractère distinctif.
À suivre ! La société Vente-privee.com a interjeté appel.

IV. Internet (questions transversales)

• Arrêt Pinckney : le critère de l’accessibilité du site détermine le juge compétent au cas de cyber-atteinte au droit d’auteur (note sous CJUE, 3 oct. 2013, n° C-170/12, Pinckney c/ KDG Mediatech AG - demande de décision préjudicielle de la Cour de cassation, France)
La CJUE consacre le critère de l’accessibilité du site en cas de cyber-atteinte au droit d’auteur. Ainsi, la juridiction d’un État membre de l’Union européenne est compétente pour connaître d’une action en réparation d’une atteinte portée aux droits patrimoniaux d’un auteur dès lors que cette atteinte se réalise via un site internet accessible dans le ressort de cette juridiction. Elle statue toutefois dans la limite du seul dommage causé sur le territoire de cet État membre.
Breaking news : la première chambre civile de la Cour de cassation vient de nous offrir la suite de l’affaire Pinckney (Cass. 1re civ., 22 janv. 2014, n° 10-15890). Bien sûr, elle est conforme à l’interprétation de la Cour de justice.
Par une décision-fleuve bien motivée, le tribunal de grande instance de Paris ordonne le blocage et le déréférencement de seize sites de streaming appartenant à la galaxie Allostreaming, pendant un an et aux frais des demandeurs. Une victoire tout en nuances pour les syndicats de producteurs et de distributeurs de films à l’origine de la demande, au terme d’une procédure hors du commun… mais peut-être pas si efficace.
À suivre ! Les syndicats de producteurs et de distributeurs de films ont interjeté appel (sur les coûts).

V. Dans le monde

• États-Unis : le fair use au secours de Google Books !  (note sous District Court, Southern District of New York, 14 nov. 2013, The Authors Guild et a. c/ Google)
La spectaculaire affaire Google Books se poursuit avec une victoire pour la bibliothèque numérique géante de Google, sauvée par le fair use.
À suivre ! La Guilde des auteurs a interjeté appel.
Sur cette affaire, voir aussi la note dans la chronique d'automne 2012.  

  

À lire à la Gazette du Palais !



Références de la chronique : Laure Marino, "Chronique de jurisprudence de droit de la propriété intellectuelle" (septembre 2013 - décembre 2013) : Gazette du Palais, 6 mars 2014, n° 65, p. 15 et s.
 Pour voir la précédente chronique, c'est ici.


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